M'émerveiller

Évasion nordique en Livradois

Partage :

Paul-André Coumes

Photographe et rédacteur, je réalise des reportages très variés, qui vont de l'art de vivre à l'environnement en passant par le patrimoine et le portrait.

Dans les forêts du Livradois

De futaies anciennes en lacs secrets, le Haut-Livradois déroule son tapis blanc propice à l’évasion nordique.

Féerie au bout du monde

De basalte et de givre

Le Haut-Livradois est un pays méconnu. Ces hautes terres boisées, distantes d'une heure de la capitale auvergnate sont un peu les Tamanrasset ou Tombouctou du département. Echandelys, se situe en deçà des grandes forêts, dans la pente du versant occidental du massif. Rien n'arrête le regard qui cascade au gré des reliefs pour descendre vers le val d'Allier. Dès la sortie du bourg, les nombreux chemins qui sillonnent la campagne invitent à s’évader pour un jour ou bien plus. Aujourd’hui, je chausse les skis sur le pas de la porte, quel luxe !

Jouer à cache-cache avec les sommets

Fenêtres dans la forêt

Première descente vers le ruisseau du Moulin Neuf. La neige, poudreuse à souhait, procure une glisse parfaite. Je grimpe ensuite jusqu'au hameau du Mas et poursuit le long de la petite route. Un coup d'oeil en arrière me gratifie d'une belle vue sur le village et ses toits enneigés. Les dernières maisons derrière moi, la balade prend une allure plus sauvage. Je quitte le monde des hommes pour celui des bois. De discrets susurrements ponctuent le silence des lieux. Elfes et lutins ont mis des plumes à leur manteau pour jouer les mésanges bleues et nonnettes. La progression à ski, douce et silencieuse, ne dérange que très peu la faune sauvage. Au hameau de Deux-Frères, la fenêtre s’ouvre en grand. Je retrouve le vent mais aussi un panorama exceptionnel. La couverture nuageuse, suffisamment haute, épargne les sommets auvergnats. En surplomb de la plaine d’Issoire nappée de brume, le Sancy se réchauffe comme il peut sous ce timide soleil d’hiver. Les trois sommets cantaliens, le Plomb, le Peyre-Arse et le puy Mary, pointent juste ce qu’il faut de leur relief. Seul le puy de Dôme arbore fièrement son bonnet blanc.

Séance de méditation en blanc

Boisgrand la royale

De retour en sous-bois, l’absence de vent et le confinement invitent à l’introspection. Les mêmes mouvements répétés et rythmés me plongent dans un état méditatif. Les skis, comme les aiguilles d’une horloge fantaisiste, mesurent des parcelles de temps que les arbres ne connaissent pas. La profonde couche de poudreuse les avalent aussitôt sur le chemin qui pénètre en forêt de Boisgrand. Cette ancienne forêt royale est gérée par l'Office National des Forêts. Les parcelles de résineux plantés en rang serrés y sont plutôt rares ; on leur préfère la futaie jardinée. Des arbres d'essences et d'âges variables y poussent sur un épais lit de mousse bien verte. Sauf qu’aujourd'hui, tout est blanc ! Les cheveux de sorcière, ces lichens filandreux accrochés à l’écorce, confèrent au sous-bois une ambiance bien mystérieuse. Sous le charme de cette féerie, les skis repartent dans la poudreuse avec cette griserie associée à l’itinérance en pleine nature.

Des paysages magiques

Un petit bout de Grand Nord

A peine sorti du bois, je dévale la route enneigée du hameau de la Colombière pour rejoindre ses étangs éponymes. Lovés dans le creux du relief et cernés par la forêt, ils m’évoquent invariablement le Canada ou la Finlande. Entre sapins et bruyères, je disparaîs dans le bois de l’Oiseau tel un spéléologue dans un gouffre. Les sentiers soumis à un sortilège se font sinueux. L’enchevêtrement des branches et arbustes courbés sous la neige renforcent la sensation d’immersion. De retour à la surface, les yeux respirent un horizon habité. Les maisons aux toits de tuiles et aux murs de granit à peine doré du village d’Aix-la-Fayette réchauffent le regard et l’esprit.

Aux abords d'une ferme, un groupe de pinsons du nord décolle du chemin pour se percher sur une rangée d’aulnes. Juste après mon passage, les voilà qui redescendent pour picorer du tournesol déposé sans doute à leur attention. Suivant une courbe de niveau, le chemin en balcon surplombe la vallée de la Maillerie. Le village d'Echandelys est en vue alors que le froid resserre son étreinte à l’approche de la nuit. Des traces d'écureuil m'accompagnent sous les grands sapins pour terminer cette randonnée forestière.

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