Les « mémères », ce sont ses brebis, car Estéban est berger du troupeau mobile du Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne (PnrVA).
Basés au puy de Vichatel, lui et ses 51 brebis peuvent être amenés à se déplacer selon les besoins, « cette saison, on a passé deux semaines au puy de Marmant », explique-t-il. Le troupeau appartient au lycée agricole de Rochefort-Montagne, qui a initié cette idée aux côtés du PnrVA. L’action est soutenue par la fondation Chaîne des Puys – faille de Limagne, le PnrVA, le Conseil départemental du Puy-de-Dôme, Clermont Auvergne Métropole et bien sûr le lycée de Rochefort-Montagne.
La présence de brebis est précieuse dans ces milieux naturels souvent sensibles, car elles peuvent aller là où les humains ne peuvent pas. « C’est ça qui dessine et entretient nos paysages », glisse Estéban. Leur action permet de réguler la végétation du secteur, « il faut éviter qu’une espèce prenne le dessus sur le reste, on appelle ça la fermeture des milieux, ce qui appauvrit la biodiversité », détaille Estéban tout en surveillant son troupeau du coin de l’œil. Ce défrichage naturel participe également à prévenir le risque d’incendie « ou le risque d’avalanche lorsque l’on est dans les stations, car la neige roule moins sur de l’herbe rase ». Les brebis aident également à limiter l’expansion des fougères « en les piétinant, ça les tue, des fois je « pousse » mes brebis dedans », s’amuse le jeune berger.
« Attention cependant à ne pas les laisser trop vadrouiller à leur envie », prévient Estéban. « S’il y a trop de brebis, ça peut détériorer les milieux sensibles qui sont très friables ». Le berger s’attelle donc à ne pratiquement jamais passer au même endroit « pour ne pas le dégrader ». Avec Totem, son superbe chien Border Collie de deux ans et demi, il conduit donc son troupeau là où il a besoin d’aller.
Etre berger dans la Chaîne des Puys, ça comporte forcément un volet pédagogique. Car Estéban circule sur des secteurs de randonnées souvent fréquentés. « On apprend à cohabiter tous ensemble, avec les garde-nature et les randonneurs, je fais en sorte de ne pas passer avec les brebis sur les chemins de passage », raconte ce cantalien de cœur. Les promeneurs n’hésitent pas à venir lui poser des questions, « on vient souvent me parler du loup… mais moi, je m’occupe des brebis, pas du loup », déclare-t-il simplement, un sourire au coin des lèvres. Alors il leur parle de son rôle et de ses « mémères », qui n’ont pas toujours envie de l’écouter même si elles reconnaissent très bien sa voix. Il leur parle de Totem, qui veille sur elles, même si ça ne leur plaît pas toujours.
« C’est le chien le méchant et moi le gentil » rigole Estéban.
C’est qu’il les aime ses brebis, c’est d’ailleurs pour elles qu’il a quitté la protection de l’enfance, où il a travaillé pendant 11 ans.Cette année 2020, c’était la première fois qu’il conduisait le troupeau mobile, il espère pouvoir reprendre ce poste à la prochaine saison, qui débutera en avril. Et si vous voulez le croiser, il va falloir enfiler ses chaussures de randonnées et gravir le puy de Vichatel, entre avril et octobre. Vous n’aurez qu’à guetter le bruit des cloches.