Un fromage de caractère
Vers 1850, un certain Antoine Roussel, agriculteur à Laqueuille, entreprend d’améliorer la qualité et d’organiser la fabrication de ce fromage de vache, cousin rustique du Roquefort ; c’est le premier à avoir l’idée d’incorporer au caillé, des moisissures développées sur du pain de seigle. Pour faciliter le développement du persillé, il imagine de piquer les fromages avec une aiguille à tricoter, puis, à cette fin, invente une piqueuse mécanique. La fabrication industrielle du Bleu d’Auvergne est née ; elle supplantera rapidement la fabrication artisanale, de sorte qu’il ne reste aujourd’hui que deux producteurs de Bleu d’Auvergne fermier.
Surtout, les choses ont largement évolué depuis le milieu du XIXe siècle. Aujourd’hui, on n’utilise plus de poudre de bleu, mais du pénicillium Roqueforti cultivé en laboratoire et qu’on mélange au lait collecté sur la zone d’appellation, laquelle s’étend au-delà des deux départements du Cantal et du Puy-de-Dôme. Après quoi, selon les préceptes de l’AOC (obtenue en 1975), il s’agit toujours de trancher et d’égoutter le caillé, puis de le brasser délicatement, de « coiffer le grain ». Les 6 000 tonnes de fromage Bleu d’Auvergne produites chaque année sont ensuite moulées et égouttées, puis salées à la main. Ultime étape, le piquage, qui, en favorisant l’aération du fromage, permet d’obtenir un persillé homogène.
Après cinq semaines d’affinage, emballé dans sa livrée d’aluminium, le Bleu d’Auvergne est prêt à la vente. Sur la table, il fait valoir sa rusticité, sa puissance, mais aussi son fondant, son onctuosité ; il développe tout son potentiel accompagné d’un blanc moelleux (Bergerac, ou Pineau des Charentes), ou encore d’un blanc sec (Gewurztraminer) alors que les amateurs de rouge devront se rabattre sur un vin doux, style Maury.